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Le 2 janvier 2004, de Boa Vista (Brésil) |
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Bonjour tout le monde |
LA CARTE |
Que de frontières et de rivières traversées depuis nos dernières nouvelles pour finalement retrouver ce grand pays que nous avions quitté le 10 novembre dernier ! Les Guyanes sont maintenant derrière nous, une nouvelle année nous tend les bras... et le voyage continue.
Mais revenons un peu en arrière. A Cayenne, plus exactement, où nous nous sommes retrouvés tout à coup sans marche arrière sur le VW. Une vis avait cassé. Mais comme elle avait une forme bien particulière, pas question de la remplacer par une autre vis toute bête : il fallait "la" pièce d'origine VW. Délai annoncé : dix jours. Heureusement, nous avons pu la faire ressouder pour rien par un Brésilien (nous lui avons quand même donné une bouteille de vin pour le remercier). Un autre, chez qui nous nous étions renseignés, demandait, quant à lui, la modique somme de 30 €... Après, nous avons vu qu'une soudure du pot d'échappement commençait à lâcher. Devinez lequel des deux nous sommes retournés voir ?!
Entre-temps, le deuxième colis du CNED était enfin arrivé, amené à domicile (sur notre parking) par Franck. Samuel et Elisa se sont donc plongés à fond dans leurs nouvelles matières. Et nous nous sommes préparés à quitter la Guyane.
Le Suriname est le premier pays de ce périple à nous demander un visa. Nous le savions avant. La mauvaise surprise, c'est qu'il nous faut en payer quatre (un par personne). Coût : 120 €. D'habitude, il n'y a pas plus de visas que de passeports, soit deux pour nous puisque les enfants n'ont pas encore de passeport à leur nom. De plus, l'assurance est obligatoire pour le véhicule et ne peut pas être prise pour une durée inférieure à trois mois. Coût : 100 €. Pour un pays dans lequel nous n'allons passer que quelques jours...
Le 15 décembre, enfin, nous laissons Cayenne derrière nous, bien décidés à prendre dès le lendemain le bac qui doit nous mener au Suriname. Mais quelques kilomètres avant le village d'Iracoubo, c'est de nouveau la panne : plus d'embrayage. Rémi rejoint tant bien que mal le centre du village et se glisse sous le fourgon. Mais il va falloir enlever la boîte à vitesses. Impossible de le faire au bord de la route. Surtout qu'il pleut de plus en plus souvent. Il faut donc trouver un endroit où s'abriter. Un hangar sous lequel on nous autorise éventuellement à rester une ou deux semaines. Car selon la panne, il faudra se procurer des pièces...
A pied, Rémi fait le tour du village. A l'entrée, nous avons repéré d'énormes hangars vides. Il y aurait de la place pour le fourgon, c'est sûr. Encore faut-il qu'on accepte de nous dépanner... Les premiers dépendent d'une administration. Il ne faut pas compter dessus : l'accès est interdit à toute personne étrangère aux services. Les seconds appartiennent à une entreprise. Ils sont énormes et deux d'entre eux sont complètement vides. Mais, racisme anti-blanc oblige, le patron (créole) prétend sans sourciller qu'il n'a pas de place (voir notre Arrêt sur image : la Guyane, une drôle de France). Nous n'avons plus qu'à chercher ailleurs.
Première courte enclenchée, Rémi actionne le démarreur. La mécanique n'apprécie guère, mais le véhicule se met en branle. Il suffira désormais de passer les vitesses au bon régime moteur... et d'éviter de s'arrêter ! Huit kilomètres plus loin, un énorme hangar dépasse au-dessus des arbres, à quelques centaines de mètres de la route. Rémi va voir à pied. Cette fois, nous avons trouvé notre sauveur.
Gérald est suisse et il est installé en Guyane depuis 25 ans. Jusqu'à il y a quelques mois, il blanchissait du riz (ce qui explique le hangar, dans lequel sont encore installées les machines). Maintenant, il se lance dans la culture de tomates sous serre. Et dès qu'il a connaissance de notre problème, il est prêt à tout nous offrir : une place dans son hangar, ses outils, sa douche... Il a même une épave de fourgon VW qu'il nous propose de pirater ! Nous ne pouvions pas mieux tomber.
Bientôt, la panne est identifiée : c'est la butée d'embrayage qui a littéralement explosé. Rémi en retrouve les morceaux éparpillés dans le carter. Or nous n'en avons pas en réserve... Le concessionnaire VW de Cayenne, contacté par téléphone, nous annonce trois semaines de délai pour en avoir une. C'est beaucoup trop long ! Nous préférons nous en faire envoyer une directement de métropole. Malgré tout, il faut bien quelques jours... Sans compter que Noël approche ! En attendant, nous avançons sur le programme scolaire. Le matin, car l'après-midi, Samuel et Elisa profitent de la télévision par satellite pour faire une cure intensive de dessins animés en français. Rémi, lui, décide de changer également le disque d'embrayage (nous en avions un en stock) et bricole avec Gérald et son collègue Paulo. Il s'improvisera même réparateur de filet de pêche avant de sortir en mer avec Gérald pour remplir le congélateur de poisson frais. A leur retour, tout le monde se régale de poisson boucané (cuit à la fumée).
Noël arrive et le fourgon est toujours sur cales dans le hangar... Heureusement, cela ne décourage pas le Père Noël qui trouve encore le moyen d'entrer et de déposer des cadeaux au pied de notre petit sapin de papier. Dès 7 h, Elisa, qui est d'habitude la dernière à se réveiller, nous tire tous du lit. Allez savoir pourquoi !
Le lendemain matin, enfin, la précieuse butée arrive. Rémi se met aussitôt au travail. En début d'après-midi, tout est remonté. Et ça marche ! Après une dernière bière avec nos hôtes, nous reprenons donc la route et arrivons le soir même à Saint-Laurent du Maroni. La ville a la réputation d'être un coupe-gorge ; dérogeant à nos habitudes, nous y passerons la nuit à côté de la gendarmerie.
Le jour suivant, c'est la course, car nous devons prendre le bac pour traverser le fleuve et entrer au Suriname. Il y a deux départs : à 8 h et 9 h. Mais avant, nous devons poster la lettre demandant de suspendre notre assurance française. Et l'agence de Cayenne exige une preuve de sortie du territoire du véhicule. Heureusement, un douanier compréhensif nous fournit l'attestation nécessaire et nous serons de retour avant le départ du dernier bac.
Nous voilà au Suriname. La langue officielle est le hollandais mais la plupart des gens y parlent aussi anglais ; nous n'aurons donc aucun mal à nous y faire comprendre. Autre changement : la conduite à gauche. Jusqu'à Paramaribo, la route est très désagréable. Pas spécialement en mauvais état (les trous sont peu nombreux) mais le soubassement a manifestement été mal fait et le goudron ondule tellement qu'il est impossible de dépasser le 60 km/h.
A Paramaribo, nous prenons tout juste le temps de faire du change, des courses et de relever notre courrier électronique avant de repartir. La ville a pourtant l'air très agréable. Les bâtiments coloniaux en bois sont superbes.
Le soir même, nous atteignons Nieuw Nickerie, à l'ouest du pays. Une nouvelle traversée de fleuve nous attend. Pour la nuit, nous trouvons refuge près de la police : il n'y a en effet aucune place digne de ce nom et les rues, entre les hautes maisons sur pilotis, sont assez étroites.
Le lendemain matin, nous prenons la route du Guyana. Le bac est à plus de 50 km de Nieuw Nickerie et seuls les 10 premiers sont goudronnés. Ensuite, la piste se transforme vite en petit chemin de terre. Pourtant, au bout, c'est un embarcadère très moderne et une douane très organisée qui se présentent à nous. Après avoir pris les billets, l'attente commence car le seul bac de la journée part à midi.
Deux heures plus tard, après avoir accompli toutes les formalités, changé quelques dollars et reculé nos montres d'une heure, nous entrons au Guyana. La conduite est toujours à gauche, mais cette fois la langue officielle est l'anglais. Pour le reste, même si le Guyana a la réputation d'être un pays dangereux, ce qui nous inquiète le plus, c'est l'état de la route que nous devons emprunter pour rejoindre le Brésil. Dans notre guide de l'Amérique du Sud, on nous parle d'une piste en très mauvais état, à peine utilisable par un véhicule 4x4. De plus, un Guyanais rencontré à Cayenne ne nous a guère rassurés : d'après lui, il faut s'attendre à trouver des trous plus gros que le fourgon...
Pour l'heure, nous nous régalons à observer les maisons qui bordent la route. Qu'elles soient en bois ou en dur, presque toutes sont construites sur pilotis. Certaines, de couleur pastel et couvertes de décorations pour les fêtes de fin d'année, ressemblent à s'y méprendre à de gros gâteaux à la crème ! Par contre, il est bien difficile de savoir où nous nous trouvons exactement. Les villages s'étalent en longueur sur une rue unique et n'ont pas de centre à proprement parler. Par ailleurs, il n'y a absolument aucune signalisation...
A New Amsterdam, nous devons de nouveau prendre un bac, pour traverser la rivière Berbice cette fois. Il n'est pas 17 h, mais la file d'attente est immense. Renseignement pris auprès de chauffeurs de minibus, il ne faut pas s'attendre à traverser avant... minuit ! Du coup, nous préférons passer la nuit sur place et reprendre la queue tôt le lendemain. Mais où dormir ? Comme au Suriname, la ville n'a pas de place centrale. Les églises, près desquelles nous trouvons habituellement des parkings, sont ici toutes petites et dans un terrain clos. Alors ? De plus, sans être paranoïaque, il vaut quand même mieux prendre certaines précautions. Rémi va se renseigner au commissariat central. On l'y accueille à bras ouverts. C'est ainsi que nous nous installons carrément dans l'enceinte du commissariat...
Si les Blancs étaient relativement peu nombreux en Guyane française, ils sont ici carrément absents. Qu'ils soient d'origine indo-pakistanaise ou africaine, les Guyanais ont la peau foncée. Les temples hindous et les mosquées sont nombreux. Les rastas aussi ! Quant à l'habillement, il est sensiblement plus strict : personne ne se promène en short (surtout pas les femmes) ou en tongs.
Dès 5h30 le lendemain, Rémi prend place dans la queue pour le bac. Elle est encore courte. Les enfants et moi nous levons ensuite et nous prendrons tous le petit déjeuner sur le bac. C'est parfois bien agréable de voyager avec sa maison ! Arrivés à Georgetown en milieu de matinée, nous n'y resterons que le temps de faire quelques courses et de déjeuner. Ensuite, direction plein sud.
Jusqu'à Linden, la route est goudronnée. Là, nous demandons de nouveau l'asile au commissariat. On nous y reçoit moins chaleureusement qu'à New Amsterdam, mais nous pouvons quand même y passer la nuit. Après avoir montré nos passeports, tout de même... Là, on nous dit que l'état de la route qui mène au Brésil s'est considérablement amélioré : aujourd'hui, des minibus assurent régulièement la liaison Georgetown-Lethem. S'ils peuvent passer, nous le pouvons aussi ! Soulagés, nous apprenons alors qu'il y aurait par contre de gros problèmes de sécurité.
- Ne vous arrêtez sous aucun prétexte, même si on vous fait signe, martèle la commissaire. N'adressez la parole à personne. Vous pouvez tomber sur des gens qui n'hésiteraient pas à vous tuer pour vous voler.
Ne pas s'arrêter ? Ne parler à personne ? Dans un pays où la signalisation routière est inexistante ? Impossible ! A chaque carrefour, il faut se renseigner sur la direction à prendre. Moyennement rassurés, nous quittons néanmoins Linden. La piste commence aussitôt. Dix kilomètres plus loin, nous arrivons sur un Y. Quelle branche choisir ? Marvin, un rasta qui construit un petit commerce au niveau du carrefour, nous renseigne. Nous voilà maintenant au coeur de la forêt. La piste est large et manifestement très utilisée, mais le trafic est quand même réduit. Pendant plus de cent kilomètres, il n'y a rien. Rien que des arbres, des deux côtés du chemin. Enfin, nous atteignons Mabura Hill. Sur notre carte, cela paraît être une ville. Dans la réalité, il y a juste un poste de police et un campement de bûcherons. Nous y passerons quand même la nuit car il est déjà 16 h et personne ne sait nous dire à quelle distance se trouve le prochain lieu de bivouac possible.
Au sud de Mabura Hill, la piste rétrécit. On sent qu'elle existe surtout pour les véhicules des forestiers. La forêt se fait plus oppressante. Par endroits, les arbres se rejoignent au-dessus de la piste, formant un véritable tunnel végétal. Il n'y a toujours pas âme qui vive, mais la piste est bonne. Enfin, 2h30 plus tard, nous atteignons la rivière Essequibo. Pour la traverser, il faut prendre une barge. Un bus et un Land Rover, arrivés juste après nous, feront partie du voyage. De l'autre côté, c'est toujours la forêt. La piste devient encore plus étroite. On s'y croiserait avec difficulté, d'autant plus qu'elle devient boueuse. Heureusement, il n'y a personne en face.
Enfin, soudainement, la forêt tropicale fait place à la savane. Nous traversons une zone qui peut être largement inondée. La piste est surélevée et porte les marques de profondes ornières : de gros trous qui nous obligent à ralentir considérablement. Des habitations apparaissent. Ce sont de petits villages amérindiens. Derrière nous, un homme à vélo nous suit pendant plusieurs dizaines de kilomètres : il va aussi vite que nous ! Le dernier tronçon est meilleur, mais considérablement tôlé : ce n'est pas mieux. Enfin, à 16h15, nous atteignons Lethem, sur la frontière. Un dernier bac doit nous faire quitter les Guyanes.
- Dépêchez-vous : il part à 17 h !
Vite, nous nous présentons à l'immigration pour faire les formalités de sortie. Le fonctionnaire de service sirote une bière dans son hamac. Lorsqu'il se décide à se lever, il prend tout son temps pour feuilleter nos passeports avant de les tamponner. Rémi piétine sur place. Pourtant, il vaut mieux ne pas montrer que nous sommes pressés ! Le temps de trouver comment atteindre la rivière, le bac est de l'autre côté. Va-t-il revenir ? On nous assure que oui. En attendant, nous pouvons toujours nous offrir une glace...
Il est près de 17h30 lorsque le bac quitte enfin l'autre rive. Il s'agit maintenant de discuter le prix... Celui-ci s'avèrera finalement très raisonnable, par rapport à ce que nous avons pu payer ailleurs. Nous sommes le 31 décembre et nous voilà donc de retour au Brésil. Dans la petite ville de Bomfim, très exactement. Et comme son nom l'indique ("bonne fin") nous y passerons une nuit de Saint-Sylvestre tout ce qu'il y a de plus tranquille, attendant que les bureaux de la Receita Federal ouvrent (le 2 janvier) pour faire les formalités d'entrée du fourgon.
Il y a tout juste un an, nous étions en Terre de Feu, à l'extrême sud du continent. Il nous aura donc fallu une année entière pour arriver ici. Il va être temps d'inverser la boussole et de reprendre la route du sud... Mais d'abord, une petite incursion au Vénézuela s'impose ! En attendant, nous vous souhaitons à tous une merveilleuse année 2004, pleine d'images, de sons et de toutes sortes de rêves.
Grosses bises à tous et à la prochaine.
Rémi - Flo - Samuel - Elisa |
Carnets de route
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