Une famille autour du monde
 

VOYAGES AU LONG COURS

 Amérique du Sud 2002-2004
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Le 2 avril 2004, de Asunción (Paraguay)
 

Bonjour tout le monde

LA CARTE

Le mois dernier, toute la famille a retrouvé avec plaisir la ville de Potosi. Et nous y avons vite repris nos petites habitudes : les balades dans le centre, les courses à la "feria" (le grand marché du week-end), les infusions de feuilles de coca à toute heure de la journée... Comme la dernière fois, l'altitude nous a un peu secoués les premiers jours. Enfin, surtout les filles ! Elisa a eu des maux de tête, de la fièvre, des nausées. Elle a même pendant quelques longues minutes tenu des propos totalement incohérents en regardant dans le vague. Heureusement, cela ne s'est pas éternisé. De mon côté, ce sont les variations extrêmes de température qui ont eu raison de ma petite santé et j'ai attrapé une angine carabinée qui m'a laissée complètement sans voix pendant plusieurs jours. Pas extrêmement pratique pour les séances d'école...
Potosi, la fameuse Casa de la Moneda Tiens, l'école, justement. Nous devions recevoir à Potosi plusieurs évaluations du CNED retournées après correction. Le courrier n'est jamais arrivé. Nous allons donc vraisemblablement finir l'année scolaire sans en avoir reçu une seule pour Samuel. Pour Elisa, nous n'avons eu que la première. Heureusement que Nadine nous a envoyé les commentaires par courrier électronique. Mais à quand une correction en ligne ? Ce serait tellement plus pratique !
Depuis notre dernier séjour, Juan et Teresa ont fait l'acquisition d'une petite voiture : une vieille Volkswagen Brasilia qu'ils n'utilisent guère que pour aller faire les courses du week-end. Ce n'est pas absolument indispensable (les bus sont nombreux et très bon marché) mais il est important ici d'afficher sa réussite sociale. La voiture est avant tout un signe extérieur de richesse.
Ils se sont aussi équipés d'une ligne téléphonique, ce qui s'avère beaucoup plus utile. Cela nous a aussi permis d'installer une connexion Internet directement à la maison et elle n'a pas chômé ! Nous avons d'abord procédé à la mise à jour de notre antivirus avant de télécharger tout notre courrier électronique. Car depuis plusieurs semaines, notre boîte était littéralement envahie de messages porteurs de virus (elle l'est toujours, d'ailleurs, aussi pardonnez-nous si nous en essaimons quelques-uns...). Puis, Rémi s'est attelé à la mise à jour de tous les programmes présents sur notre ordinateur, ce qui a représenté un certain nombre d'heures de connexion ! De mon côté, j'ai travaillé au référencement de notre site et il semble que cela porte ses fruits. Samuel en a aussi profité pour faire des recherches sur ses deux passions : les Pokemon et les serpents. Elisa, elle, ne surfe pas encore.
A Potosi, nous avons bien évidemment retrouvé notre amie Lourdes. Mère de cinq grands enfants, tous étudiants, aux besoins desquels elle doit subvenir seule, elle n'a pas toujours la vie facile. Or voilà que depuis quelques semaines, elle se retrouve chargée d'une petite fille supplémentaire. Sumaya a cinq ans et c'est une fillette adorable, mais son père est en prison et le nouveau compagnon de sa mère ne veut pas en entendre parler. Les grands-parents ont averti Lourdes que la petite se faisait battre par son beau-père. Comme elle est sa marraine, elle "doit" s'en occuper. Et la mère a laissé partir sans état d'âme une enfant qui lui compliquait manifestement la vie...
Nous retrouvons également Ana et Jaime, que nous n'avions pas pu rencontrer l'année dernière. Ana est l'infirmière qui avait supervisé la naissance de Samuel et c'est un grand plaisir de la revoir.
Machine à laminer l'argent Nous décidons aussi de jouer un peu les touristes et de visiter enfin la fameuse "casa de la moneda" où tant de pièces européennes ont été frappées. Nous sommes passés devant des dizaines de fois lors de nos différents séjours, mais nous n'y sommes jamais entrés ! A l'intérieur, le clou de l'exposition est sans nul doute l'énorme machine qui servait à laminer les lingots d'argent. Véritable labyrinthe d'engrenages entraîné par une vingtaine d'hommes traités comme des bêtes de somme, c'est aussi une merveille de technologie. Mais que de souffrances lui sont donc dues...
Au cours de cette seconde moitié du mois de mars, nous avons aussi beaucoup entendu parler de la mer bolivienne. Ah, la mer... Au XIXème siècle, la Bolivie s'étendait en effet jusqu'à la côte pacifique, incluant tout le nord de l'actuel Chili. Le salar d'Atacama, la gigantesque mine de cuivre de Chuquicamata, la ville d'Antofagasta : tout cela était bolivien. Le guano et le salpêtre y représentaient une source de richesse considérable, dont le principal acheteur était le Chili. Lorsque la Bolivie décida d'instaurer de nouvelles taxes qui augmentaient considérablement les prix, le Chili décida, lui, de s'approprier purement et simplement toute cette zone. Ce qui fut fait en 1879. Et depuis, la Bolivie pleure "sa" province du Littoral...
Le 23 mars est officiellement déclaré "jour de la mer". A cette occasion, toutes les écoles défilent, réclamant la restitution de la province perdue. Dès leur plus jeune âge, les enfants s'entendent répéter que l'accès à la mer leur appartient et que les Chiliens le leur ont volé. L'immense majorité des Boliviens est donc persuadée de bonne foi que le Chili doit leur "rendre" ce qui leur "appartient"... Une immense campagne a été lancée pour regrouper le plus de lettres possible demandant le retour de la mer. Celles-ci, mises bout à bout, doivent constituer "la plus longue lettre du monde" qui sera remise au secrétaire général des Nations-Unies pour demander officiellement la restitution de la province du Littoral.
Comment peut-on encore revendiquer une terre 125 ans plus tard ? Que faire de la population chilienne dans l'éventualité d'un hypothétique retour à la Bolivie de cette zone ? "Nous ne voulons pas les gens ; nous voulons juste récupérer notre terre", nous dit-on. Mais comment dissocier la terre de ceux qui la peuplent ? A la télévision, un spot publicitaire enfonce le clou de la haine chaque jour un peu plus : "un jour, NOTRE drapeau flottera au bord de NOTRE mer". Le Chili est ici considéré comme un ennemi mortel.
Les courriers postés de France un mois et demi plus tôt ne faisant toujours pas mine d'arriver, nous décidons de reprendre la route. Toute la famille salue Potosi, espérant bien la revoir un jour et nous entamons de nouveau la descente vers les basses terres. Sucre est notre première étape, puis nous partons plein est sur une piste qui court à flanc de montagnes. Les paysages sont superbes et comme nous avons fait l'acquisition d'un gigot d'agneau, nous ne tardons pas à nous arrêter pour préparer une grillade au feu de bois. La viande est délicieuse (presque aussi tendre qu'un agneau de Patagonie) et l'instant magique : la vie est belle, c'est une évidence !
Préparation de la grillade Après avoir passé toute une journée à descendre, nous nous arrêtons pour la nuit au bord d'une rivière. Nous ne sommes plus qu'à quelques 1.000 m d'altitude et les températures sont bien plus clémentes : ce sera jour de bain et de lessive pour tout le monde.
Enfin, après avoir gravi une dernière chaîne de montagnes, nous rejoignons la route qui mène vers le nord jusqu'à Santa Cruz. Elle est goudronnée et nous n'avons jamais vu un aussi beau bitume en Bolivie. Signalisation horizontale et verticale, barrières de sécurité, accotements stabilisés : tout y est. Jusqu'à Camiri. Car après, la route se dégrade vers le sud.
A Villamontes, nous faisons des provisions avant de quitter de nouveau la Bolivie. Devant nous, 140 km de piste jusqu'à la frontière du Paraguay, puis l'immensité aride du Chaco. Pour le fourgon, les formalités de sortie du territoire se font à Villamontes même. Pour faire tamponner les passeports, il faudra voir 72 km plus loin. Après, il n'y a plus que des postes militaires. La piste est gravillonnée, mais recouverte de poussière pulvérulente qui s'envole en nuages au passage du moindre véhicule. Les dépassements y sont épiques, d'autant plus qu'il y a peu d'air et que la poussière stagne entre les murs de végétation qui longent la piste.
Enfin, nous voilà au Paraguay. La piste se dégrade encore. Ici, il n'y a plus que de la terre, dans laquelle les camions qui transportent le gaz bolivien creusent leurs ornières. Le poste militaire où nous arrivons est isolé au milieu de nulle part et on y est manifestement content d'avoir de la visite : c'est la première fois qu'on nous propose d'aller aux toilettes et de prendre une douche avant de nous noter sur les registres ! Nous passerons d'ailleurs la nuit sur place.
Pour rejoindre Mariscal Estigarribia (le prochain point sur notre carte du Paraguay), il y a encore 230 km de piste, soit une journée de route. Les camions mettent douze heures, mais ils roulent très lentement dans les trous. Notre petite taille nous permet de zigzaguer et d'aller un peu plus vite. Mais l'ennui pointe vite le bout de son nez, sur cette piste toute droite et tout le monde accueille avec soulagement la pause déjeuner à l'ombre d'un arbre... jusqu'à ce que les premiers moucherons apparaissent ! Bientôt, c'est un véritable nuage d'insectes qui envahit le fourgon. Dans cette zone aride, l'humidité que nous dégageons par notre transpiration les attire comme un aimant. Et la pause tant attendue se transforme vite en véritable calvaire. Notre repas vite avalé, nous fuyons littéralement les lieux.
Quelques kilomètres plus loin, trois camions sont stationnés sur le côté de la piste. La remorque de l'un d'eux a basculé dans le bas-côté. Les chauffeurs, qui campent juste à côté, nous expliquent qu'ils sont là depuis vingt-deux jours. Ils attendent qu'une grue vienne les dépanner...
Coucher de soleil sur le Chaco - Vous n'auriez pas de la glace ?
Evidemment, par cette chaleur... La glace est d'autant plus indispensable qu'ici on boit le "yerba mate" glacé (et non pas chaud comme en Argentine ou au Brésil). On l'appelle alors "tereré". Mais nous n'avons même pas d'eau fraîche à leur offrir : notre frigo est tombé en panne le matin même. Nous leur laisserons quand même quelques fruits, du lait et du yaourt. Ironie du sort, la remorque qui a basculé contient une machine à faire du yaourt destinée à une usine de Santa Cruz.
Enfin, c'est l'arrivée à Mariscal Estigarribia. La piste bute sur un ruban de bitume parfait et nous sommes là, arrêtés, nous demandant où peut bien se trouver le bureau de l'immigration quand plusieurs policiers apparaissent. L'un d'eux s'adresse à Rémi, lui demande ses papiers et ceux du véhicule, de couper le moteur et de descendre. C'est la brigade des stupéfiants. Nous arrivons de Bolivie, nous sommes donc éminemment suspects...
Bientôt, toute la famille se retrouve dehors. Un homme monte dans le fourgon et sonde méthodiquement tout le doublage. Un autre note scrupuleusement tout notre itinéraire depuis notre arrivée en Amérique du Sud. Un troisième arrive bientôt, accompagné d'un chien. Les enfants, qui n'ont pas encore eu l'expérience d'une fouille du véhicule, le regardent, sidérés, renifler partout. Stoïques, nous le regardons monter sur les coussins : bientôt, il y a des empreintes de chien partout... Mais lorsque le dresseur ouvre le frigo et que le chien se jette sur le morceau de viande de lama qui s'y trouve, nous ne pouvons nous empêcher de protester. Que cherche-t-il, finalement ?
A l'arrière, sous le lit de Samuel, il y a l'une de nos roues de secours. Le chien la flaire avec insistance. On nous demande de la sortir. Mais une fois qu'elle est à terre, il s'avère que l'animal s'intéresse beaucoup plus au sachet plastique qui se trouve dessus. Celui-ci contient notre grille de barbecue et il faut croire que l'odeur du dernier gigot est encore bien présente ! N'empêche, nous devons maintenant accompagner les policiers à l'atelier du coin : ils vont faire démonter la roue pour s'assurer qu'il n'y a rien dedans.
Nous en sommes là lorsqu'un bus arrive. Il vient aussi de Bolivie. Tous les passagers doivent donc descendre pour la fouille des bagages. Un seul policier reste avec nous, mais comme notre roue ne contient rien de plus que de l'air, il rejoint bien vite ses collègues. Non sans nous avoir présenté des excuses pour le dérangement. C'est assez rare pour être relevé. C'est d'ailleurs l'une des bonnes surprises de ce séjour au Paraguay : tous les policiers que nous avons rencontrés se sont avérés d'une politesse irréprochable, commençant toujours par nous serrer la main et ne manquant jamais de nous souhaiter la bienvenue chez eux. Leurs confrères de Guyane feraient bien d'en prendre de la graine !
Sortie de piste pour un semi-remorque Avec les passagers du bus, les policiers auront plus de réussite : l'un d'eux, une jeune fille de 22 ans, transporte de la cocaïne dans les semelles de ses chaussures. Peu de choses, en fait, mais ici le tarif est le même quelle que soit la quantité : dix ans de prison ferme. Le savait-elle seulement avant ?
Il nous faudra deux jours pour traverser tout le Chaco et arriver à Asunciôn, 500 et quelques kilomètres plus loin. Toute cette zone est très peu peuplée et la seule localité digne de ce nom est Filadelfia. Un gros village, tout au plus, mais qui fait figure de métropole dans ce désert aride ! La population y est en grande majorité allemande et on y parle plus volontiers la langue de Goethe que l'espagnol. Les Paraguayens de souche s'expriment, eux, plus naturellement en guarani, la langue de leurs ancêtres indiens. C'est dire que la communication ne doit pas toujours être évidente !
Comme la Bolivie, le Paraguay fait appel aux Etats-Unis pour assurer l'instruction de ses militaires. Les compagnies pétrolières nord-américaines, quant à elles, trouent méthodiquement le sous-sol : il y a du pétrole au Paraguay ! Mais on ne l'exploite pas. Les puits sont creusés puis rebouchés : on les garde en stock. Mais c'est sur le plan économique que l'invasion yankee se fait le plus sentir. Ici, comme dans tous les autres pays d'Amérique latine, il est bien difficile de faire ses courses sans engraisser les multinationales du nord. Toutes marques confondues, les trois quarts de la nourriture disponible en magasin proviennent de Unilever, Best Foods ou Kraft Foods. Quant aux produits d'hygiène, Colgate-Palmolive et Johnson & Johnson y tiennent le haut du pavé et nous avons toutes les peines du monde à trouver du savon ou du dentifrice qui ne soit pas estampillé Etats-Unis. Autant dire que ces grandes compagnies peuvent, si elles le désirent, affamer le monde entier... A ce petit jeu, la France n'est d'ailleurs pas épargnée. Regardez donc de près votre pot de moutarde : Amora, marque française s'il en est, est désormais la propriété de... Unilever. Ce n'est pas une invasion armée, comme en Irak, mais c'est tout aussi efficace. Juste un peu plus pervers.
A Asunción, nous avons retrouvé le chemin de l'Alliance Française : il y avait longtemps que les enfants n'avaient pas ri des injures lancées par le Capitaine Haddock ! Nous avons aussi battu notre record de chaleur : le thermomètre est monté jusqu'à 52,1°C. A l'extérieur, quand même... A l'intérieur, nous avons juste frôlé les 40°C.
Grosses bises à tous et à la prochaine.

Rémi - Flo - Samuel - Elisa

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