Une famille autour du monde
 

VOYAGES AU LONG COURS

 Amérique du Sud 2002-2004
     Le véhicule
     Le parcours
     Carnets de route
     Arrêts sur image
        Chiloé
        Bandera Bajada
        Pulacayo
        Nidelbarmi
        Brasilia
        Alagoinhas
        Mouvement Sans Terre
        La Guyane
        Sur le Río Madeira
        Missions jésuites
        Yerba mate
        La valse des voitures
     Infos pratiques
     Bilan en chiffres
 Amériques 1992-1994
 Afrique de l'Ouest 1990
 Afrique de l'Ouest 1988

Fenêtre sur les Andes (Argentine)

Compteur visiteurs

Arrêts sur image : la Guyane, une drôle de France

La Guyane, comme chacun sait, est un département français d'outre-mer. En tant que tel, les lois françaises doivent donc s'y appliquer comme en métropole, sauf pour certains cas bien particuliers. C'est en tout cas ce que nous pensions naïvement avant d'y arriver.
Au premier coup d'oeil, depuis la barge qui nous faisait traverser le fleuve Oyapock, il n'y avait rien de plus français que le petit village de Saint-Georges. Une grande place tournée vers le fleuve, éclairée de multiples lampadaires. Une mairie avec un drapeau bleu-blanc-rouge. Une poste à l'enseigne jaune de "la" poste. Des véhicules de marque Renault ou Peugeot à tous les coins de rue... Cétait "comme chez nous".

Un état de non-droit

Très vite, pourtant, nous devions nous rendre compte que nous avions affaire à une France de façade et que les lois, de manière générale, n'y existent que pour être mieux ignorées. Dans tous les domaines ! Ce sont par exemple les utilisateurs de scooters (souvent deux adultes par engin) qui ne portent qu'exceptionnellement le casque. Les maisons qui sont construites un peu partout sans permis de construire ni titre de propriété pour le terrain. Les Hmongs qui passent tous les jours devant la gendarmerie en pick-up, la benne pleine d'enfants qu'ils amènent à l'école. Les chasseurs qui partent armés d'une carabine 22 long rifle (arme absolument interdite pour cet usage). Les dessous de table demandés et versés au su de tout le monde : "pour 50 €, tu peux traverser le pont". La liste n'en finit pas.
Affiche de l'office du tourisme de Guyane Tous ces comportements sont considérés ici comme absolument normaux. On les revendique même. On est fier d'user de passe-droits... Dans la réserve des marais de Kaw, aucune embarcation ne doit dépasser deux mètres de large. Pourtant, certains carbets flottants construits sur place peuvent atteindre les huit mètres. Ils sont trop larges pour pouvoir quitter le marais et violent clairement la loi. "Et alors ?"
Par ailleurs, le personnel local des différentes administrations est d'une incompétence difficilement imaginable. C'est par exemple l'employé de la banque qui commence par nous annoncer un taux de change à 1,20 € pour 1 USD et met bien une demi-heure à se rendre compte, après moults calculs et avec l'aide du directeur d'agence, que c'est exactement l'inverse. Ou le guichetier de la poste de Rémire-Montjoly qui ne peut pas nous dire quelle adresse utiliser pour recevoir un colis en poste restante à Mana sous prétexte que "c'est là-bas qu'il faut se renseigner". En désespoir de cause, il faut lui demander l'adresse à utiliser pour Rémire-Montjoly. Pour Mana, ce sera évidemment la même, au code postal près !

Des couleurs qui se mélangent mal

En Guyane, la France est de toutes les couleurs. Il y a les noirs, les créoles, les blancs, les amérindiens, les hmongs, les chinois, les brésiliens... et tous les mélanges, toutes les nuances intermédiaires. Mais le tableau, si coloré qu'il soit, n'a rien de très harmonieux.
Il y a ceux qui s'accrochent à leur identité originelle. Se sentent-ils même français ? Ce sont par exemple les enfants hmongs de la deuxième génération qui parlent à peine notre langue, bien qu'elle leur soit enseignée à l'école. A l'opposé, il y a ceux qui se croient en terrain conquis sous prétexte qu'ils sont blancs et qu'ils amènent donc la civilisation dans ce coin perdu. Ils sont assez rares, mais ils existent bel et bien et ne sont certainement pas étrangers au racisme anti-blanc que l'on peut rencontrer un peu partout.
La majorité de la population, créole, souffre toujours d'un vieux complexe lié à l'esclavage. Il y a comme un désir de revanche. Une volonté de faire payer aux blancs d'aujourd'hui l'attitude de ceux d'hier ou plutôt d'avant-hier. Aussi, dès que l'occasion se présente, on prend un malin plaisir à leur compliquer la vie. Ainsi à l'assurance (celle que nous utilisons en métropole) où on commence par refuser de nous faire un contrat sous prétexte que notre véhicule n'est pas immatriculé en Guyane... Nous finirons par obtenir le contrat qui nous est dû. Mais au moment de le suspendre, nouvelles complications : on exige une preuve de sortie du territoire pour le véhicule et elle devra être postée en recommandé avec accusé de réception... depuis la Guyane ! Alors comment faire puisque nous serons déjà sortis ? "Ce n'est pas mon problème, c'est le règlement." En métropole, pour le même service, un coup de fil est suffisant.
Ce racisme ordinaire est omniprésent et peut avoir des conséquences inattendues. Ainsi, un chef d'entreprise va être obligé de recruter du personnel de couleur (même s'il n'est pas assez qualifié) s'il veut que sa clientèle ne se limite pas aux blancs, trop peu nombreux pour assurer la survie de son commerce.
De notre côté, ce doit être la première fois qu'il nous arrive de nous sentir rejetés à cause de notre couleur de peau !!!
Mais s'il y a un point sur lequel tous les groupes ethniques semblent se retrouver, c'est bien la gestion des déchets. Les décharges sauvages sont très courantes et il ne se passe guère de kilomètre sans qu'une épave de voiture apparaisse sur les bas-côtés. Que ce soient les hmongs qui laissent la place de leur village jonchée de canettes vides, le créole qui se lève d'un banc public en laissant derrière lui les reliefs de son repas ou le blanc qui vidange son moteur hors-bord à quelques mètres des enfants qui se baignent, tous accordent bien peu d'importance à leur environnement. Batteries usagées et ferrailles rouillées sont aussi monnaie courante dans les rivières.
Bref, cette France-là ne nous a pas convaincus. Si nous devions nous installer en Amérique du Sud, ce ne serait sûrement pas là.

Le Mouvement Sans Terre    Huit jours sur le Río Madeira, au coeur de l'Amazonie