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À Colombo

Compteur visiteurs

 

Le 04/03/2001 : magouilles financières à Batticaloa

Demain, c'est la rentrée des classes pour Samuel et Elisa. En ce qui concerne les parents, les neuf jours de vacances initialement prévus (une semaine entière + le week-end précédent) se sont finalement réduits à quatre. Mais reprenons les choses dans l'ordre...
Je vous ai déjà parlé de mes doutes par rapport à la gestion financière de Boris à Batticaloa. Boris est revenu de vacances tout début février et nous lui avons présenté, Rémi et moi, nos rapports de visites faits en son absence. Il n'a pas vraiment fait de commentaires. Si l'entrepreneur m'a dit ne pas avoir encaissé les montants inscrits sur les reçus, c'est qu'il n'a pas compris ce que je lui demandais, ou bien que je lui faisais peur. Oui, oui, vous avez bien lu : peur ! Comme si mon 1,55m pouvait impressionner quelqu'un... Quant aux justificatifs demandés pour les factures, ils se trouvaient à Batticaloa. Je ne les ai pas vus parce qu'ils étaient trop visibles, dans un bac en plastique, sur son bureau. D'ailleurs, il pouvait demander à Raj (l'administrateur local) de les envoyer à Colombo dès que possible. Etc.
Boris est donc retourné à Batticaloa. Il a quitté Colombo le lundi matin et le soir même, à 23h, Emmanuelle (la chirurgienne qui bosse à Batti depuis deux ans et est une grande copine de Boris) m'appelle, me demandant de venir de toute urgence à Batti pour régler "un gros problème administratif". Elle ne m'en a pas dit plus, arguant que c'était à Boris de m'expliquer et pas à elle. Mais elle me téléphonait à sa demande. Entre-temps, les fameux "justificatifs" étaient arrivés, partis de Batti le matin même. Inutile de dire que Rémi et moi avons passé une partie de notre nuit à les éplucher ! Le résultat n'a d'ailleurs pas été probant. Tout cela sentait trop la magouille... Un exemple : un papier de dépôt d'argent à la banque de Batti, sur le compte du contractor, faisait état d'un montant inférieur de 200.000 LKR (environ 20.000 FRF) à celui noté sur le reçu. Ce qui tendait à confirmer ce que celui-ci m'avait dit : à savoir, qu'il ne recevait pas le total...
Le lendemain, concertation avec Manuel. Nous étions tous d'accord sur un point : la seule raison pour laquelle Boris pouvait me demander de venir, sans vouloir en parler au téléphone, était une question de fric. Dans notre naïveté, et déjà persuadés que Boris avait des choses à cacher, nous pensions qu'il allait "avouer" quelque manoeuvre frauduleuse. Eh bien, pas du tout ! Boris me faisait venir en fait pour constater un trou de caisse d'environ 15.000 FRF. Tout de même ! En gros, voilà l'histoire...
Au mois de novembre, Boris. était venu à Colombo pour acheter du matériel électrique pour les travaux de l'hôpital. Il se serait alors déplacé avec l'équivalant de 50.000 FRF en liquide. Lequel argent lui aurait été partiellement volé quelque part. Les liasses (5 fois 100 billets de 1.000 LKR) se seraient trouvées dans une enveloppe, dans son sac à dos, et il aurait retrouvé cette enveloppe "presque vide". En soi, c'est déjà bizarre qu'un voleur n'ait pas pris bêtement l'enveloppe avec tout ce qu'elle contenait, mais bon... Boris n'aurait pas osé en parler à Colombo, parce que "tout le monde critiquait son travail à ce moment-là" et il aurait préféré faire de faux inventaires de caisse, le temps de rembourser la somme volée. D'ailleurs, il avait effectivement commencé à rembourser. Ce qui explique que je n'aie constaté "que" un trou de 15.000 FRF.
L'histoire est évidemment plausible. Pas vraiment convaincante, mais plausible. Et j'aurais peut-être pu y croire si je n'avais pas eu de doutes sur l'honnêteté de Boris et si celui-ci ne s'était pas livré à une véritable représentation théâtrale ! Mimiques de petit garçon pris en faute, expression de regrets démesurés, rappel de ses débuts dans notre ONG comme personnel local, peur de l'avenir si cette erreur était connue de tous... "Ma réputation, mon honneur... Et si on me poursuivait en justice ?" Quelques petites larmes bien placées, certes, mais un regard qui n'avait rien de sincère. Et qu'on ne me dise pas que je lui faisais peur : Boris doit mesurer près de 1,90m et peser dans les 95 kg de pur muscle ! Alors tant qu'à faire, puisque j'étais là, j'ai reparlé du contractor et de ces paiements pas clairs. Boris m'a juré ses grands dieux qu'il n'y avait rien de louche là-dedans, qu'il pouvait tout justifier sans aucun problème... mais qu'il avait besoin que je lui envoie des copies de toutes les factures passées en compta pour être sûr de ne rien oublier. Tiens donc ! Le lendemain, j'ai essayé de rencontrer de nouveau le contractor : lui aussi avait promis de m'envoyer des documents et je n'avais toujours rien reçu. Il devait arriver au bureau à 13h... On ne l'a jamais vu ! Et après, on s'étonne que j'aie des doutes ? S'il n'y a rien à cacher, pourquoi me fuir ? Du coup, j'ai posé des questions à Raj et aux deux logisticiens locaux. Aucun n'a voulu me donner des informations suffisamment précises pour confondre Boris, mais tous ont eu des réactions éloquentes. Sourires gênés ou entendus, phrases du genre "je ne peux pas parler ici" (on se trouvait dans la cour du bureau) ou "si je parle, tu vas avoir une mauvaise opinion de moi". Ce qui en dit finalement très long !
De retour à Colombo, j'ai évidemment fait un compte-rendu détaillé des ces deux jours à Rémi et Manuel (par téléphone et e-mail puisqu'il se trouvait sur la péninsule) et nous sommes tombés d'accord sur le fait qu'il fallait mettre Paris au courant de tout : nos doutes, nos questions, l'absence de justificatifs pour les paiements du contractor, le trou de caisse... J'ai donc finalisé mon rapport de visite pendant le week-end et tout devait partir par e-mail (avec un message d'explications) le lundi matin, après nouveau contact avec Manuel. Et ne voilà-t-il pas que ce même lundi matin Boris nous adressait, ainsi qu'à Paris, une lettre de démission pour le 28/02... Vous avez dit bizarre ?
Je vous passe les détails... Toujours est-il que deux semaines plus tard, nous sommes retournés à Batti, tous les trois (Manuel, Rémi et moi), ce qui ne s'est jamais vu. Dans notre musette, une liste de questions mises par écrit, soumises pour approbation à Paris et pour laquelle nous devions ramener des réponses écrites également. Car il vous manque une information non négligeable : Boris change de discours comme de chemise. D'où l'importance d'une trace écrite pour que Paris puisse se faire une idée. Et voilà comment nous avons passé le premier week-end de nos vacances : le samedi sur la route pour revenir de Batti et le dimanche à faire le rapport de la visite, éplucher et commenter pour Paris les réponses de Boris... Entre-temps, sur place, nous nous sommes fait accuser de tous les maux par Emmanuelle (persuadée que notre unique ambition était de mettre Boris dehors) et surtout le consultant qui supervise les travaux. Là, c'était carrément surréaliste : il s'est mis à nous agresser, avant même qu'aucun de nous trois n'ait vraiment ouvert la bouche ! À l'entendre, nous étions jaloux de Boris et de sa popularité dans le district de Batticaloa, nous étions tout simplement incapables de nous rendre compte de la quantité de travail qu'il avait fournie, nous qui passions nos journées assis derrière des bureaux, et Dieu ne nous pardonnerait jamais de le mettre à la porte... Nous avons quand même réussi à lui préciser que c'était Boris qui avait démissionné de lui-même, mais cela ne l'a pas calmé pour autant.
Depuis, un miracle s'est quand même produit : les RH à Paris ont réussi à trouver un remplaçant pour Boris, qui est arrivé le 01/03. Et voilà comment la fin de nos vacances a disparu : nous devions absolument, Rémi comme moi, le briefer avant son départ pour Batticaloa...
L'histoire n'est pas finie puisque Boris ne rentre à Colombo que mercredi prochain. Après, Paris lui demande de venir en debriefing tout de suite. Lui voulait rester en vacances au Sri Lanka jusqu'au 15/04. A l'heure qu'il est, impossible de savoir ce qu'il va faire. D'autant plus qu'il nous prépare manifestement un dernier mauvais coup : il a dit à Nirmalie que j'avais son passeport et son billet d'avion... ce qui n'est évidemment pas vrai !
Allez, j'arrête sur ce sujet. Je me doute bien que tout cela ne vous passionne pas... Mais j'ai passé tellement de temps et mis tellement d'énergie à essayer de comprendre et de trouver LA ficelle qui me permettrait de dévider tout l'écheveau que quand je commence à parler de Boris, j'ai un peu de mal à m'arrêter ! Comme si j'étais venue au Sri Lanka pour jouer les détectives financiers... Enfin, si certains d'entre vous s'imaginaient encore que l'humanitaire s'apparente à Mère Thérésa, je pense que cette séquence "magouille chez les expats" aura fait voler en éclats vos dernières illusions !
Un problème n'arrivant jamais seul, nous avons eu un autre très bel échantillon en la personne du remplaçant tant attendu de Paul, sur la péninsule. Karin, à Paris, nous en avait fait l'éloge : "aucun problème avec lui, il a la carrure nécessaire et déjà deux missions comme responsable terrain en Afghanistan à son actif". Paul était ravi... Jean-Marc est donc arrivé le 08/02 à Colombo. Il y est resté quelques jours avant de prendre le bateau et tout le monde était déjà content de le voir repartir : dans le genre "je sais tout" il se posait là. Mais bon, on peut être imbu de sa personne et faire du très bon boulot !
Il est arrivé sur la péninsule alors que Manuel s'y trouvait toujours. Le briefing s'est donc étalé sur deux jours avant que Manuel ne parte. Là encore, "je sais tout et tu ne m'apprendras rien ; en plus on m'avait dit que je serais chef de mission et je ne suis finalement que responsable terrain". De quoi se poser des questions, mais pas de quoi s'affoler outre mesure. Manuel est donc revenu à Colombo l'esprit tranquille : la relève était assurée ! Et là, patatras ; coup de fil de Jean-Marc le jour même : "il faut que je rentre chez moi, à Montréal, je ne peux pas expliquer pourquoi, c'est personnel". Facile ! Retour à la case départ. Paul, qui se voyait déjà en vacances en Thaïlande, obligé de prolonger de plusieurs semaines... Heureusement, là aussi, miracle à Paris : quelqu'un peut venir faire une soudure de deux mois. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est mieux que rien. En plus, Tristan était disponible tout de suite et a pu arriver le 26/02. D'ailleurs, dans la série "le monde est petit", Manuel a déjà travaillé avec lui au Guatemala et Rémi et moi l'avions croisé en Angola.

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