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Arrêts sur image : Bandera Bajada, l'autre Argentine

Lorsqu'on débarque à Buenos Aires, on ne peut qu'être frappé par l'aspect européen de la ville, et surtout de ses habitants. C'est vrai que l'Argentine est une nation jeune. Et que l'Europe n'a pas manqué d'émigrants pour la conquérir. A tel point que la plupart des gens que nous rencontrons ont des racines européennes : leurs grands-parents sont venus de France ou d'Espagne ou d'Italie...

Un pays riche... Oui, mais pas partout !

Il y a dix ans, l'Argentine était l'un des pays les plus riches du monde. Et c'est bien l'impression qu'elle nous avait laissée... Aujourd'hui encore, malgré l'énorme dévaluation subie par le peso argentin (près de 3 Pesos pour 1 USD, alors qu'il y a deux ans les monnaies étaient à parité), l'Argentine reste un pays développé. On y sent une certaine richesse. Cela dit, c'est aussi un pays immense, aux multiples facettes. Il n'y a donc pas une seule, mais de nombreuses Argentines.
Cactus géant Lorsqu'on arrive dans la province de Santiago del Estero, et plus précisément dans le département de Figueroa, c'est une Argentine bien particulière que l'on découvre. Les traits européens se font rares. L'impression de richesse a totalement disparu.
Pour se rendre à Bandera Bajada, il faut quitter l'une des rares routes goudronnées de la province et prendre une piste qui part vers le nord. Le village est à douze kilomètres et tout le long de la piste piétons et cyclistes sont légion. Leurs regards appuyés ne trompent pas : on ne voit pas souvent de véhicules étrangers dans la région...
Enfin, une banderole placée au-dessus de la route vous souhaite la bienvenue à Bandera Bajada. Le village est sur le côté droit de la route ; on n'y entre pas par hasard, mais seulement si on l'a voulu. Les rues, pour autant qu'il soit possible d'utiliser ce mot pour désigner les espaces qui séparent les habitations, sont des chemins défoncés d'une blancheur et d'une dureté extraordinaire. La terre contient en effet tellement de salpêtre qu'elle a la couleur de la neige. Sur les bas-côtés, des flaques d'eau stagnante et des ordures ajoutent à la désolation de l'ensemble. Il n'y a pas une touffe d'herbe, pas une fleur devant les maisons. Rien ne semble vouloir pousser. On se croirait en plein désert...

Il y a 25 ans, lorsque le Padre Sergio est arrivé de son Italie natale, Bandera Bajada consistait en quelques maisons reliées entre elles par des sentiers piétonniers tracés au milieu des cactus. Il n'y avait pas de village à proprement parler. Pas de municipalité. Pas d'école. Juste une boulangerie. Et la paroisse, construite par son prédécesseur, italien lui-aussi.
Radio à Bandera : le local technique Les gens étaient tous isolés, chacun dans leur coin. La communication était alors inexistante entre les différents hameaux. Alors le Padre Sergio a installé une radio. Et la vie des gens en a été transformée.
Les locaux de la radio sont tout petits : un local technique de 1,50 m sur 2 m, le studio d'une dizaine de mètres carrés et une avancée qui permet d'attendre à l'abri du soleil ou des intempéries. Mais les services qu'elle rend sont incommensurables. C'est en effet le seul et unique moyen de communication entre les différentes communautés. Le téléphone n'a été installé à Bandera Bajada qu'en 2002. Après que le Padre Sergio ait fait le siège de la compagnie pendant des mois ! Alors inutile de dire que dans les multiples hameaux alentours, il n'en sera pas question avant des années. L'électricité elle-même n'y est encore qu'une chimère : Bandera Bajada n'en bénéficie que depuis 2001. Et c'est un village de plus de 1.000 habitants...
La vie à Bandera Bajada n'est pas facile. L'agriculture y est pratiquement impossible. La texture bien particulière de la terre la transforme en savonnette dès qu'il pleut quelques gouttes mais elle devient dure comme de la pierre quand le soleil l'a chauffée quelques jours. Il n'y a guère que le coton qui accepte de s'en accomoder. Mais pendant plusieurs années, le cours du coton était tellement bas que plus personne ne le cultivait : on perdait de l'argent au lieu d'en gagner...
Alors, pour vivre, les gens s'exportent. Ils partent travailler quelques mois à Buenos Aires, ou en Terre de Feu (à la tonte des moutons, par exemple). Ensuite, ils reviennent chez eux. Vivent quelques temps sur leurs économies... et recommencent.

Si dans le village même les maisons sont en dur, alentours on vit toujours dans des "ranchitos". Ce sont des maisons en terre, construites sur une armature de bois. Le toit, à peine pentu, est en terre lui-aussi. Sur quelques poutres, on pose des branchages en travers, puis une première couche de terre. Ensuite, pour imperméabiliser un peu, on met une feuille de plastique et de nouveau de la terre. L'herbe qui pousse parfois sur les toits aide à la cohésion de l'ensemble. Mais les fourmis, nombreuses et voraces, trouvent toujours le moyen de faire des trous dans le plastique. L'étanchéité devient vite symbolique...
Menuiserie en plein air A l'intérieur, le sol est en terre lui-aussi. Et il n'y a pas de portes. La pièce unique sert de dortoir. Un autre petit bâtiment (ou une avancée de toit) fait office de cuisine. Le four est une petite construction en terre, sur pilotis, qui se trouve à une vingtaine de mètres. On le chauffe au bois et les empanadas y sont délicieuses. Bien meilleures, nous dit-on, que dans un four au gaz !
Autour du ranchito, on ne laisse aucune végétation : c'est une zone de sécurité pour éviter que les vipères ne fassent leur nid trop près des maisons. Il n'est pas rare de voir ainsi un terrain nu de 150 m de côté encerclant un petit ranchito, perdu au milieu de ce désert. Ensuite, c'est le "monte", la forêt d'arbres, de broussailles et de cactus géants.

Pour peu qu'ils se trouvent près de la piste principale, l'électricité est parfois arrivée jusqu'aux ranchitos. On a alors de la lumière.
Corvée d'eau à la rivière Mais l'alimentation en eau reste un problème. Les puits ne sont pas nombreux. Et si la récupération de l'eau de pluie est facile sur les toits en tôle ondulée (on dirige les gouttières sur un réservoir), il n'en va pas de même avec les toits en terre. Alors on part en vélo, un bidon de 20 l posé en équilibre sur le cadre, chercher l'eau à la rivière ou à la retenue qui se trouve à l'entrée du village. Les plus riches chargent plusieurs bidons de 200 l sur une charrette : cela va plus vite.
Le Père Sergio essaie, dans la mesure de ses moyens, de rendre la vie plus facile à ses ouailles. De nombreux petits projets voient ainsi le jour. Rien de bien révolutionnaire. Juste de petits coups de pouces. Ici, c'est une institutrice qui va pouvoir acheter quelques vaches et ainsi fournir un peu de lait à ses élèves malnutris. Là un moulin à céréales qui va permettre de relancer la fabrication de farine "à la maison"...
Ici, on se sent volontiers abandonné par l'état. Il y a quelques mois, le toit d'une école s'est écroulé. La directrice doit se débrouiller pour le faire réparer. Alors, en attendant, les cours se font en plein air. Et lorsqu'il pleut, il n'y a pas école... Aucune autorité ne s'en soucie.

Chiloé, terre de légendes    Pulacayo, village-fantôme