Le 2 juin 2006 : enfin un peu de calme

Bonjour tout le monde

Exceptionnellement, ces deux dernières semaines, j'ai réussi à ne pas travailler le soir à la maison. Il y avait tellement longtemps que cela n'était pas arrivé que je me demande même si cela est vraiment déjà arrivé ! Pourtant, les évènements se sont encore enchaînés à toute vitesse.
D'abord, c'est Sammy (l'adjoint finances qui était parti avec la caisse en janvier) qui a finalement été arrêté. Il avait postulé dans une autre ONG, or nous les avions toutes prévenues du vol. Celle-ci nous a donc contactés, ainsi que la police, qui est venue le cueillir lors de son entretien d'embauche. Domi y est également allée, pour le reconnaître. Ensuite, notre avocat nous a appris que la peine minimale encourue était de 5 années de prison...
Les discussions ont commencé pour trouver un règlement à l'amiable, partant du principe que si l'argent était rendu, notre ONG retirait sa plainte. La famille semblait coopérative : en l'espace d'un week-end, le tiers de la somme avait été rassemblé. Un deuxième tiers devait être représenté par un vieux taxi. Restait un tiers pour lequel un calendrier de paiement devait être fixé. Son père s'étant porté caution pour lui, Sammy a été libéré au bout d'une dizaine de jours. Mais par la suite il ne s'est plus présenté aux différents rendez-vous. La police a donc décidé de porter l'affaire en justice.
En ce qui concerne le recrutement d'un administrateur pour la base de Makeni, nous avons finalement eu de la chance puisque nous avons trouvé un candidat intéressant et disponible tout de suite. Aiah a donc démarré (sur les chapeaux de roue !) le 1er mai (eh oui, ce n'est pas férié en Sierra Leone) et j'ai passé près de deux semaines avec lui pour le former, pendant le break de Nicole. Il lui faudra un peu de temps pour trouver le rythme (Makeni est une grosse base, où il y a beaucoup de travail et aussi toujours des problèmes) mais au moins il fait les choses bien. C'est déjà beaucoup !
En mon absence, les relations avec notre nouveau voisin (ou plutôt avec son employé) se sont sérieusement dégradées. Le gars trouvait que nous ne fournissions pas assez de fuel pour le générateur. La discussion s'est envenimée. Rémi a fini par rentrer dans notre appartement et là, le gars, pris d'un coup de folie, s'est déchaîné sur la porte (heureusement qu'elle est en métal !) avant d'enfermer Rémi et les enfants à l'intérieur. Pris en otages ! Il a fallu que notre logisticien capitale parlemente une heure avec lui pour qu'il se décide à enlever le cadenas qu'il avait mis sur notre porte, à l'extérieur...
La semaine d'après, heureusement, il s'était calmé, car c'était au tour de Rémi d'aller à Makeni. Et c'est au cours de cette semaine (le 17, très exactement) qu'un de nos techniciens de l'équipe construction a eu un accident de moto. Accident qui lui a été fatal : le gars a pris un gros choc sur la tête alors qu'il n'avait pour tout casque qu'un casque de chantier. Gros dégâts sur le bas du visage, hémorragie cérébrale : il n'a survécu que quelques heures.
Le choc passé, il a fallu essayer de comprendre. Que faisait Theophilus sur cette moto ? Ce n'est pas pour rien qu'il ne portait pas de casque : il ne faisait pas partie du personnel autorisé à utiliser ce véhicule. Ensuite, il avait été trouvé sur la piste par un camion de notre ONG. Mais celui-ci n'avait rien à faire à cet endroit-là à ce moment-là... Après recoupement des différents témoignages, une conclusion s'impose : il y a (de nouveau) des détournements de matériaux.
La situation n'était déjà pas facile quand Bernard, le tout nouveau logisticien construction arrivé moins d'un mois plus tôt, a donné sa démission. Nicole est dégoûtée, et à juste titre : elle-même a donné sa démission depuis des mois mais a attendu l'identification d'un remplaçant pour partir (celui-ci arrive le 5 juin). Bernard, lui, ne venait que pour une mission de trois mois et il est parti au bout d'un seul.
Bref, vous l'aurez compris, si ces derniers jours n'ont pas été trop chargés pour moi, ils l'ont été beaucoup plus pour Rémi ! C'est en effet lui qui a pris en charge le plus gros des "investigations". Avec le sentiment de faire la même chose pour la deuxième fois consécutive : c'est aussi par une phase d'investigations liées à des problèmes de détournements de matériaux qu'il avait commencé sa mission en juillet 2005 ! L'histoire se répète et il se pourrait bien que ce programme de construction soit définitivement enterré : il coûte cher, n'avance pas et occasionne beaucoup de problèmes.
Entretemps, une réunion générale a regroupé tous les expatriés de notre ONG... à Makeni, justement ! Ce qui a permis à Rémi, Nicole et Domi de mener les investigations de front. En discussion : l'avenir de notre ONG en Sierra Leone. Options limitées : la plupart d'entre nous a bien compris qu'il s'agissait plus de faire entériner par le terrain des décisions de toute façon déjà prises au siège que de faire preuve d'imagination. En tout cas, une chose est certaine : il est bien difficile d'avoir foi en l'avenir dans ce pays...
Pendant trois jours, il n'y a donc eu aucun expatrié à Freetown. Cela a donné à l'un de nos gardiens l'idée d'apprendre à conduire avec l'une de nos voitures. Malheureusement pour lui, la marche arrière était engagée... et il n'a pas réalisé la chose tout de suite. Comme le volant était aussi braqué et qu'il y avait un obstacle tout près, nous nous retrouvons avec un phare cassé, une aile froissée et un pare-choc arraché. Pas alarmant en soi, mais comme ce modèle n'existe pas en Sierra Leone, il va falloir faire venir les pièces de France, ce qui va entraîner des frais conséquents. Décidément : pas facile.
Sinon, un toit est finalement apparu sur notre bureau de Freetown. Il n'est pas beau, mais il a le mérite d'exister... et il nous protège de la pluie ! Car celle-ci a bel et bien fait son retour.
A la maison, Jeneba a dû garder les enfants six nuits pendant ce dernier mois. Elle en a marre. Eux-aussi ! Nous espérons pour eux que l'accalmie actuelle va durer un peu et que Rémi et moi ne serons plus obligés de quitter Freetown en même temps. Notre fin de mission est désormais fixée au 31 juillet et si un remplaçant a été identifié pour moi, il n'en est encore rien pour Rémi. Mais il reste un peu de temps pour ça !
Cette semaine, les problèmes de Makeni ont fini par déteindre sur l'équipe de Freetown. Lundi, comme toutes les semaines, nous avons eu une réunion de coordination, au cours de laquelle des sanctions ont été décidées pour le personnel impliqué. Pour l'un d'entre eux, nous n'étions pas tous d'accord. Domi voulait mettre fin à son contrat ; Tony, Rémi et moi pensions qu'il ne méritait pas une sanction aussi lourde. Un compromis avait été trouvé : une sanction exceptionnellement forte (pour ne pas dire démesurée) mais qui avait le mérite de ne pas lui faire perdre son emploi. Et voilà que le lendemain, à Makeni, Domi (sans aucune raison) change d'avis et met fin au contrat du gars... Inutile de dire que nous l'avons très mal pris, tous les trois ! Personnellement, en tant que "responsable RH" (mais est-ce bien toujours vrai ?) je crois que si mon départ n'était pas de toute façon programmé, j'aurais donné ma démission. Rémi, en tant que "responsable logistique", aussi... Cela dit, le plus désolant dans l'histoire, c'est qu'il y a quelqu'un qui vient de perdre son emploi, pour des raisons largement fallacieuses. Le pire étant que son origine ethnique a manifestement pesé dans la balance.
Hier, Domi a pris l'avion pour la France. Elle sera absente près de quatre semaines. Franchement, cela tombe plutôt bien.
Allez, bises à tous et à la prochaine.

Rémi - Flo - Samuel - Elisa