En 4L sur les traces de Christophe Colomb - Extrait
Pour nous changer un peu du climat rude de l'Altiplano, nous allons passer huit jours dans les Yungas. Une région dite de vallées, puisqu'on y descend jusqu'à mille mètres d'altitude, au nord-est de La Paz. On y cultive le café et les agrumes, signe évident d'un climat beaucoup plus clément. Mais on y cultive aussi la coca, cette petite feuille verte que paysans et mineurs mâchonnent toute la journée pour tenir le coup sans manger. On y cherche aussi de l'or.
Il y a une seule piste dans les Yungas : la boucle Sorata-Mapiri-Caranavi, dont les extrémités sont facilement accessibles depuis La Paz. C'est un chemin boueux ou cabossé, entrecoupé de gués, qui relie entre elles les différentes coopératives aurifères. Sur cette piste uniquement fréquentée par des pick-ups tout-terrain, la 4L fait sensation. A chaque étape, on s'étonne.
"Comment avez-vous fait pour venir jusqu'ici ?"
Il y en a aussi qui se sentent quelque peu vexés, comme ce propriétaire de Toyota.
"Cette voiture n'est pas faite pour la piste. Ici, c'est un Toyota qu'il faut. D'ailleurs, vous n'arriverez jamais jusqu'à Mapiri. Vous feriez mieux de faire demi-tour tout de suite. Ou de charger votre voiture dans la benne de mon pick-up, conclut-il en riant."
Habitués à déclencher ce genre de scepticisme, nous laissons parler... et continuons notre petit bonhomme de chemin. En fait, il n'y a même rien de mieux que cette phrase : "vous ne passerez jamais !" pour nous donner l'énergie qu'il faut pour continuer... Reconnaissant à pied chaque passage délicat, nous arriverons d'ailleurs sans problèmes à destination. Certes, il faut prendre le temps de mettre les chaînes à neige avant de s'aventurer dans une mer de boue de deux cents mètres. Et écoper après chaque passage de gué. Mais pour nous qui ne sommes pas pressés, quelle importance ?
Juste avant Mapiri, pourtant, nous aurons un moment de doute. Nous arrivons au troisième gué de la journée. Outre que le chemin à suivre n'est pas clair, la rivière paraît bien plus profonde et agitée que les précédentes... Ce que nous confirme la traversée d'un 4x4 : l'eau lui arrive au-dessus des roues. Prise d'air surélevée au niveau du pare-brise, nous nous lançons à notre tour, prêts au pire : c'est que l'eau recouvre largement le capot ! Mais non, tout se passe sans problèmes. Et c'est quand même très surpris que nous nous retrouvons de l'autre côté... les pieds dans l'eau à l'intérieur de la cabine.
Ailleurs, c'est un couloir d'avalanche qui traverse la piste. Les gravats se sont amoncelés sur une dizaine de mètres de hauteur. Le monticule est vaguement traversé par une trace. Il faut d'abord faire un peu de ménage : enlever les plus gros blocs du chemin. L'opération se renouvellera d'ailleurs plusieurs fois... car l'avalanche n'a pas encore cessé ! Nous aurons tout juste le temps de passer, entre deux chutes de pierres.
[...]
Nous voilà à Caranavi. La piste ne présente plus de difficultés. Le retour sur La Paz ne devrait être qu'une formalité. Sachant tout de même qu'il va nous falloir dépasser les 4700 mètres avant de redescendre sur la ville. Au premier véhicule qui s'obstinera à vouloir nous croiser par la gauche, nous ne ferons même pas attention : cela arrive de temps en temps lorsqu'ils sont prêts à se stationner. Mais la chose devient de plus en plus fréquente. Impossible de savoir si, au détour d'un virage, nous n'allons pas nous retrouver nez à nez avec un 4x4 lancé à toute vitesse...
Petit à petit, nous prenons de l'altitude. La piste est étroite et serpente le long de la montagne. Nous roulons à droite, bien sûr, côté ravin. Une voiture est en train de nous doubler, à l'entrée d'un virage à gauche. Nous sommes encore aveuglés par son nuage de poussière quand un camion nous déboule dessus. Instant de panique ! Coup de volant à droite, coup de volant à gauche : les roues de Chiquita flirtent dangereusement avec le précipice... mais ça passe. Heureusement, la voiture est étroite. Si cela n'avait pas été le cas, notre vie se serait sans doute terminée là, en contrebas...
Plus tard, nous aurons l'explication de cette folie. La réglementation locale veut qu'entre Yolosa et le début de la route goudronnée (soit sur la majeure partie de la montée vers La Paz) la circulation se fasse à gauche. C'est d'ailleurs clairement signalé au début de la zone en question. Mais pas à la fin !
Si, dès l'arrivée sur le bitume, plusieurs panneaux indiquent qu'il faut désormais rouler à droite, il n'en va pas de même à Yolosa. Ceux qui savent, pour avoir déjà fait le trajet dans l'autre sens, où commence la zone "spéciale" reprennent vite la conduite à droite. Les autres continuent à rouler à gauche jusqu'au village suivant. Sûrs de leur bon droit. Sueurs froides et poussées d'adrénaline garanties pour ceux qui arrivent en face !
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