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Tranche de vie humanitaire - Extrait

[ Note : la scène se passe au Waïkali, un pays imaginaire, mais ce constat est bien réel. ]

Sur le chemin du retour, la conversation était allée bon train entre les deux jeunes gens. Laurence aussi appréciait au plus haut point ces journées de consultation en brousse. Enfin, elle se retrouvait médecin ! D'une semaine sur l'autre, elle voyait le résultat de son travail. C'était tellement positif par rapport à ce qui se passait à l'hôpital...
Il y avait bien sûr le problème du retard pris par les travaux. Mais ce n'était pas tout. Laurence avait du mal avec le personnel médical. Ils ne l'acceptaient pas vraiment. Et il y avait tellement à faire ! Tellement de comportements à changer...
"Des trucs tout bêtes, disait-elle, comme se laver les mains avant de nettoyer une plaie... Pour nous, c'est évident. Pour eux, c'est du gaspillage. D'eau, de temps, d'énergie... De tout !"
Ce problème n'était pas spécifique à Kikengue. Il n'était même pas spécifique au Waïkali. C'était quelque chose avec lequel il fallait savoir composer sans arrêt : les règles d'hygiène locales n'avaient rien à voir avec celles d'Europe. Mais alors rien du tout !
Le fait que l'eau soit une denrée rare ne facilitait évidemment pas les choses. Si peu qu'on en utilise à chaque fois, se laver les mains entre deux auscultations semblait une hérésie. Puisque les mains n'étaient pas sales, quel intérêt ? Les microbes, on les chassait d'un haussement d'épaules. L'important, c'était d'économiser l'eau.
La gestion des déchets était un casse-tête encore plus ardu. Un hôpital, même en piteux état, en générait toujours des quantités impressionnantes. Vieux pansements, morceaux de membres amputés, seringues en tous genres, placentas, sang, papiers... se retrouvaient entassés en plein air, au petit bonheur la chance.
Tout ce qui était vaguement comestible, comme les restes humains ou les pansements, servait de nourriture aux chèvres, chiens, corbeaux et autres cochons. Le reste pourrissait sur place. Il y avait bien eu des incinérateurs, à une certaine époque, mais tout ça c'était de l'histoire ancienne. Ils ne fonctionnaient plus depuis longtemps.
Alors on reprenait les choses à la base. Tout brûler, ce n'était pas possible. Il n'y avait ni le matériel, ni le carburant nécessaires. Mais on pouvait commencer par trier les seringues et les aiguilles. Des boîtes spéciales avaient été installées partout où on était susceptible d'en utiliser. Les infirmiers avaient du mal à s'y faire...
"Je n'ose pas venir à l'hôpital avec des chaussures ouvertes, disait Laurence. Ou alors il faut vraiment tout le temps regarder où tu mets les pieds. Il y a des aiguilles qui traînent partout. Je suis même déjà tombée sur des lames de bistouri ! Et les eaux usées..."
Les circuits d'eau n'étaient pas plus entretenus que le reste. Résultat : des fuites un peu partout. De l'eau qui ruisselait continuellement sur les murs, s'étalant en longues traînées vertes ou noires.
Les toilettes à la turque débordaient plus souvent qu'à leur tour. Tout le monde s'en fichait. Les malades ne se sentaient pas concernés par la propreté des lieux. Le personnel d'entretien se risquait à nettoyer une fois par semaine quand tout allait bien. Et personne ne comprenait pourquoi il aurait fallu changer ces habitudes...